Alors que nos entreprises s’engagent résolument dans la transformation numérique et l’automatisation, l’essor spectaculaire de l’intelligence artificielle nourrit l’angoisse d’une destruction massive d’emplois, et certaines voix relancent le débat sur l’instauration d’une « taxe sur les robots ». Derrière cette idée se cache l’intention de répondre aux effets sociaux de l’automatisation. Mais en réalité, une telle taxe serait contre-productive, et particulièrement inadaptée à une économie ouverte et tournée vers l’innovation comme celle du Luxembourg. Taxer les robots revient à taxer la productivité et à pénaliser les entreprises qui investissent dans leur avenir.

L’industrie manufacturière luxembourgeoise vit une transformation profonde. Nos entreprises investissent massivement dans les technologies de l’industrie 4.0, les systèmes intelligents de production et l’optimisation basée sur les données. Ces efforts, soutenus par les dispositifs publics de RDI, les aides à la digitalisation et les programmes européens, sont essentiels pour rester compétitifs à l’échelle mondiale. Introduire une taxe sur l’automatisation irait à l’encontre de ces politiques et enverrait un signal contradictoire à tout notre tissu industriel. Ce serait non seulement incohérent d’un point de vue stratégique, mais aussi profondément décourageant pour les entreprises qui prennent le risque d’innover.

Au-delà de l’incohérence politique, il faut aussi souligner l’absurdité pratique d’une telle taxe : qu’est-ce qu’un « robot » aujourd’hui ? Un bras mécanique ? Un logiciel de planification ? Une intelligence artificielle qui remplace une tâche humaine ? Un simple algorithme capable d’automatiser un reporting financier ? Un robot aspirateur ou un robot de cuisine ? Faut-il aussi taxer les particuliers qui utilisent un robot tondeuse ou une domotique intelligente à domicile ? Jusqu’où aller ? Cette ligne est impossible à tracer de manière cohérente et ouvrirait la porte à des débats sans fin et à des régimes d’exception incompréhensibles.

En plus, ce serait une nouvelle couche de complexité administrative dont nos entreprises n’ont absolument pas besoin. Déclarations, contrôles, critères flous, … dans un contexte où elles doivent accélérer leur transformation, les entreprises ont besoin de clarté et de simplification – pas de nouveaux obstacles réglementaires.

Enfin, l’argument selon lequel cette taxe permettrait de compenser la perte de cotisations sociales liée à la disparition d’emplois ne tient pas économiquement. Il repose sur une vision statique et défensive du marché du travail. Le vrai défi n’est pas de ralentir l’automatisation, mais de l’accompagner intelligemment : par la formation continue, la reconversion, l’adaptation rapide des compétences et l’investissement dans l’humain. Ce sont ces leviers qui permettront aux travailleurs d’évoluer vers des fonctions à plus forte valeur ajoutée et à nos entreprises de rester compétitives.

Le Luxembourg a tout intérêt à rester un pays qui encourage l’innovation, pas qui la freine. Nous devons maintenir une cohérence forte dans nos politiques publiques et continuer à investir dans les compétences et les technologies d’avenir. L’automatisation n’est pas une menace à taxer, mais un puissant levier de croissance, de compétitivité et de création de nouvelles opportunités pour notre pays.

Georges Santer
Responsable digitalisation et innovation auprès de la FEDIL